Tomber et se relever.

Alice Zagury
Welcome to The Family
8 min readMar 27, 2022

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En préambule de cet article, nous devons rappeler qu’Oussama Ammar est présumé innocent des faits dont, hélas, nous le soupçonnons.

Il est des combats qu’on aimerait ne jamais avoir à mener.

Depuis 8 mois, le silence a été long et pénible pour l’équipe de The Family. Et pour cause, nous avons dû faire face à une profonde crise interne.

Notre déception est immense, à la mesure de la gravité des faits dont il est question :

  • En 2020, mon ancien associé Oussama Ammar s’occupe de plusieurs dossiers d’investissement.
  • Les membres de notre communauté investissent, 3 millions d’euros sont collectés.
  • Oussama transfère des fonds sur ses holdings et nous l’indique a posteriori, expliquant que c’est la seule manière de saisir les opportunités d’investissement en question.
  • D’octobre 2020 à septembre 2021, malgré les demandes répétées de tous ceux qui travaillent à The Family, nous n’obtenons aucune réponse claire à nos questions : pas la moindre documentation, ni preuve que des actifs ont bien été acquis.
  • En septembre 2021, face à l’absence de coopération, nous demandons à Oussama de démissionner de The Family. Il l’accepte immédiatement.
  • Nous faisons appel à un médiateur puis, à plusieurs cabinets d’avocats ainsi qu’à un cabinet d’audit indépendant (PwC).
  • Oussama n’a pas, pour autant, donné la moindre explication à ce jour.
  • Le 22 mars 2022, plusieurs sociétés du groupe de The Family ont donc déposé à Paris une plainte pour abus de confiance, faux et usage de faux, contre Oussama et ses holdings personnelles, pour un préjudice d’au moins 3 millions d’euros.

En faisant appel à la justice, nous défendons nos intérêts à tous.
C’est notre responsabilité de dirigeants. The Family, tous ceux qui y travaillent, ses actionnaires et ceux qui ont investi dans les véhicules concernés sont des victimes.

Cette affaire nous a demandé des mois de travail, de minutie et de discrétion. Aujourd’hui, je prends la parole. C’est un soulagement et une délivrance de pouvoir m’exprimer et vous informer.

Afin de ne pas compromettre les procédures en cours, je ne peux rentrer plus en détail dans les dossiers.

Voici quelques-uns des enseignements tirés de cette période :

1. Après des années à bâtir un projet commun, il est très difficile de prendre conscience de la trahison.

Lorsque la confiance est donnée et éprouvée au fil du temps, on ne se méfie plus, on baisse la garde. Depuis 2013, nous tous, dirigeants de The Family, avions passé des milliers d’heures à discuter, confronter nos idées, mener à bien nos projets, ensemble.

Au-delà de la difficulté émotionnelle à surmonter une trahison, il y a d’abord l’impossibilité radicale de la penser, de la voir concrètement quand elle se produit et donc d’en prendre conscience, tant elle est inconcevable, irreprésentable, inimaginable.

2. Les signaux d’alertes peuvent renforcer la cause du problème

Lorsque j’ai rencontré Oussama pour la première fois, il se présentait comme un entrepreneur ayant échoué, “viré par son propre board”, traînant derrière lui des casseroles. Dans un premier temps, nous avons tous fait le pari du droit à l’erreur.

Au fil des ans, à force de constater les résultats positifs de notre collaboration, les doutes se sont estompés. Quant aux mises en garde que nous avons pu recevoir, elles nous semblaient contredites par notre expérience au quotidien et par les contrôles et due diligences d’investisseurs. Notre holding de tête comme plusieurs filiales sont soumises à une obligation d’audit des comptes.

En particulier, les critiques retentissantes dont nous avons fait l’objet dans la presse en janvier 2021, qui ne portaient pas sur la seule personne d’Oussama mais sur The Family et son écosystème, ont eu pour effet de nous fédérer dans la défense, en nous détournant des problèmes internes en cours. Paradoxalement, ce fut un effet d’aubaine pour l’instigateur du désordre : l’attaque de la bergerie a protégé le loup.

3. La crise est un moment propice au passage à l’acte

Lorsque la pandémie éclate en Europe, The Family est sur le pont, jour et nuit, à affronter la tourmente. Nous devons adapter notre offre aux circonstances, fermer les locaux, nous assurer que nos 120 startups peuvent s’en sortir, demander à certains membres de l’équipe de partir…

Comment imaginer que notre associé pourrait profiter de ce moment précis pour nuire aux intérêts de The Family et de tous ceux qui nous ont fait confiance ?

J’apprendrai plus tard, en discutant avec une spécialiste de la détection des fraudes, que c’est justement dans les crises qu’il y a passage à l’acte, facilité par le brouillard.

4. À distance, le mensonge est difficilement repérable

Avions-nous la gouvernance adaptée ? Les processus de décision adéquats ?
Entre dirigeants, nous nous faisions confiance. Quant au contrôle en place (documenter, demander des comptes, tirer des leçons), il impliquait une équipe juridique et plusieurs dirigeants.

Le problème est : si aux questions posées à un dirigeant, les réponses sont des détours, des prétextes ou des mensonges, à un moment où toute communication se fait à distance, il est bien difficile d’empêcher des actes irréparables.

Il ne fallait pas piétiner les valeurs de The Family.

En 2013, le pari que fait The Family est le suivant : pour insuffler un nouvel élan entrepreneurial en France et en Europe, certaines valeurs méritent d’être amplifiées volontairement.
Parmi elles, il y a :

  1. L’entraide, le “Pay-It-Forward”
  2. Le partage d’expérience, la mise en commun de savoir-faires
  3. L’ambition

De la même manière qu’on ne progresse pas sans essuyer d’échecs, l’ambition porte en elle le droit à l’erreur. Cette valeur est capitale pour The Family et l’entrepreneuriat en général. Cet épisode malheureux ne nous en éloignera pas.

Je pense à tous ceux qui ont commencé à entreprendre en écoutant pendant des heures les conférences de The Family et en particulier celles de mon ancien associé. S’il a choisi de dérailler, cela le concerne lui et lui seulement. L’âme de The Family, elle, reste intacte.
L’inspiration transmise est la vôtre, le savoir-faire partagé est acquis, l’élan provoqué vous appartient.
À vous de faire perdurer ces valeurs et de les transmettre en retour. Nous serons là pour les faire résonner.

Pour The Family, entreprendre, c’est bâtir une société qui fonctionne mieux, aligner ses valeurs avec ce qu’on fabrique, s’engager à résoudre un problème, apprendre en faisant, construire dans la durée, faire preuve de courage, être présent dans l’adversité, regarder droit dans les yeux les gens qui croient en nous et leur dire la vérité, même quand elle fait mal.

Ces derniers jours, Nicolas, Younes et moi avons parlé à près de 200 personnes, investisseurs lésés, actionnaires et entrepreneurs, par écran interposé ou à la terrasse d’un café. Nous leur avons expliqué, individuellement, la situation telle qu’elle est et le dispositif juridique mis en place afin de défendre leurs intérêts.

Je crois que vivre ce genre de moments, aussi éprouvants soient-ils, fait progresser.

Un projet collectif qui continue de porter ses fruits.

Depuis 2013, en s’appuyant sur ces valeurs, sur une équipe talentueuse, sur des investisseurs engagés et sans jamais prendre le moindre argent public, nous avons contribué à l’émergence de nouvelles générations d’entrepreneurs en France et en Europe.

Nous avons eu la chance d’accompagner des bâtisseurs
comme Heetch, Algolia, Payfit, Spacefill, Trusk, Northflank, Jow, Joone, Jinka, Doctrine, Merci Handy, So Shape, Side, Vybe, Dark, Unai, WeMaintain, Flat, Fempo, Shipix, MyDiabby, Bellman, Fairmint, Artsper, Cabaïa, Plume, Alma, Kymono… Et j’en passe !

Nous ne citons jamais toutes les startups, encore moins celles qui ont fermé. Pourtant, ces expériences sont formatrices, elles lèguent une consistance pour la suite — je pense à Menu Next Door, Save, Nestor, et bien d’autres qui ont été des écoles pour leurs créateurs, comme pour nous.

Très concrètement, The Family a “créé” de la valeur.
Nous comptons aujourd’hui un portefeuille de plus de 120 startups.
La valeur agrégée de toutes nos participations est estimée à plus de 50 millions d’euros face aux 20 millions d’euros que nous avons levé en tout — sans compter la valeur à date de notre portefeuille de SPVs, déjà supérieure à 70 millions d’euros, pour 23 millions d’euros investis.

Cette valeur va au-delà du financier.
Tant de talents se sont révélés et rencontrés grâce à cette entreprise. The Family a accompagné plus de 800 startups depuis 2013, a produit un contenu dont des milliers de gens ont bénéficié et a changé profondément la perception de l’entrepreneuriat : plus accessible, plus ambitieux, plus international.

Nous sommes toujours là, solides.

C’est la vie.
Être trahi, demander à un associé fondateur de partir, engager des poursuites… qu’on le veuille ou non, c’est aussi ça l’entrepreneuriat.

Ce qui n’était pas acceptable pour nous, c’était le silence : éviter à tout prix de mettre la vérité sur la place publique, sous prétexte de s’épargner un scandale.
Le drame est là, au grand jour et nous serons tenus de répondre à toutes les questions, de regretter notre confiance aveugle, d’interroger notre gouvernance et de remonter le chemin de chaque décision.

Nous y sommes prêts. Nous gardons l’espoir que face à la justice, notre ex-associé se ressaisisse, partage les informations demandées, restitue ce qui ne lui appartient pas.

Nous approchons les épreuves les unes après les autres.
Le coup de massue est passé, il est déjà derrière nous. Le travail abattu ces derniers mois est colossal. Il n’y avait plus de public, plus de paillettes, plus de divertissement, mais chaque jour, de nouveaux problèmes à affronter. Nous y avons fait face, en équipe ultra réduite, soudée dans l’adversité. Les liens que nous avons créés durant cette période sont particulièrement forts.

C’est dans les crises que les personnalités se révèlent.
Face aux épreuves, nous avons eu la chance d’être très bien entourés. L’occasion m’est donnée ici d’exprimer à quel point je suis reconnaissante envers mon associé Nicolas. Merci à toi d’avoir été ce phare dans la tempête.
Quant à Younes, dirigeant et CFO de The Family qui a fait preuve d’un courage sans relâche, je lui témoigne toute ma gratitude.
Je remercie, enfin, Jean-Jacques qui nous a rejoint comme administrateur indépendant à une date où nous étions loin d’imaginer ce que nous allions traverser.

MERCI.
Merci à mon équipe qui était sur le pont pendant la pandémie, celles et ceux qui ont dû partir, celles qui sont restées, Kenza, Marie C, Marie F et Awa.
Merci à Nesrine et Mélanie qui m’ont épaulées, tout en prenant parfaitement les rênes des programmes de Koudetat et Goldup.
Nous avons tenu grâce à ceux qui croient en nous et nous soutiennent, nos amis, nos proches, nos familles, nos entrepreneurs, nos investisseurs...
Ceux qui ne comprenaient pas notre silence, se doutaient qu’il y avait un souci et ont pris les devants. Merci à eux.

Nous continuons à faire vivre les valeurs de The Family.
Nous allons bientôt pouvoir retourner à notre mission : accompagner les entrepreneurs ambitieux.
Sous quelle forme, quel modèle, quelle thèse suivre dans ce monde post-pandémie et belliqueux… cela reste à élaborer.

Les entrepreneurs et investisseurs qui souhaitent contribuer à écrire cette nouvelle page seront les bienvenus.

Aujourd’hui, on se sent aguerris, alignés et déterminés.

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